Apprentissage-Formation-Emploi
CHANGER DE REGARD SUR L’APPRENTISSAGE

Rencontre avec Albin Baptista, président du Groupement romand de l’informatique (GRI)

GRI

Pour répondre à la pénurie de places d’apprentissage en informatique, les programmes ICT Junior ou ICT Start enseignent gestes techniques et compétences comportementales aux apprenties et apprentis de 1ère année dans des centres de formation spécialisés.

GRI

Giovanni Paolo Antonelli

Albin Baptista: «Les entreprises peinent encore à s’investir pleinement dans la formation des informaticiens.»

Giovanni Paolo Antonelli

GRI
Giovanni Paolo Antonelli

Créé en 1971, le GRI est l’organisation professionnelle de référence pour la formation initiale et supérieure en informatique, médiamatique ou encore domotique. Président depuis 2009, Albin Baptista œuvre depuis des années à la promotion des métiers TIC (Technologies de l’information et de la communication) en Suisse romande. Mais, malgré un fort engouement des adolescents pour ces métiers, le constat reste préoccupant: «Les entreprises peinent encore à s’investir pleinement dans la formation: si elles consomment des informaticiens formés, beaucoup hésitent encore à former elles-mêmes. La première année d’apprentissage coûte environ 30’000 francs par jeune (si l’on prend en compte son salaire, celui du formateur ainsi que le matériel mis à disposition) – un investissement que beaucoup redoutent». Le résultat?  «Nous avons chaque année près de 900 jeunes candidats aux tests d’aptitude, mais seulement 150 à 160 places d’apprentissage disponibles », constate Albin Baptista. 

Des programmes pour inciter les entreprises
Pour répondre à cette pénurie de places, le GRI a lancé plusieurs programmes innovants comme ICT Junior (l’équivalent de la Junior Team) ou ICT Start, lancé en 2023, qui prend en charge les apprentis durant leur première année dans des centres de formation spécialisés. «Nous leur apprenons les gestes techniques, mais aussi les compétences comportementales: répondre au téléphone, réaliser une présentation PowerPoint, s’intégrer dans une équipe. Quand ils rejoignent leur entreprise en deuxième année, ils sont immédiatement opérationnels», explique avec enthousiasme Albin Baptista. Et pour les entreprises, qui payent ce service aux alentours de 14’000 francs, c’est une véritable plus-value.

 

Autre dispositif: le ICT 12-Harmos. Véritable année de préapprentissage, ce programme de transition cible les jeunes hésitants ou en difficulté. «Nous voulons leur donner des bases concrètes: qu’ils sachent installer des ordinateurs, développer des applications, manipuler des outils numériques. À 16 ans, il est difficile de choisir: cette année permet de se familiariser avec notre monde et d’éviter les abandons». Avec un taux de poursuite de 95%, l’initiative rencontre un franc succès.

Former plus de filles aux métiers TIC
Albin Baptista le reconnait, un peu démuni: la faible représentation des filles reste un défi. «Nous comptons environ 10% d’apprenties. Nous participons donc activement à la Journée oser tous les métiers (JOM), durant laquelle nous accueillons chaque année plus de 140 écolières dans nos entreprises partenaires». Certains nouveaux métiers, comme celui de business développeur digital, attirent toutefois davantage les femmes, nous apprend le directeur du GRI: «Là, on atteint 30 à 40% de filles, mais il s’agit plus de gestion de projets que de programmation pure».

Des pistes pour l’avenir
Selon lui, la solution clé réside dans un soutien accru des pouvoirs publics: «Entre la Confédération et le Canton, les pouvoirs publics financent déjà 75% de la formation professionnelle supérieure. Pour la formation initiale, il faudrait que les cantons incitent davantage les entreprises formatrices. Genève a eu l’audace d’imposer que toute entreprise soumissionnaire à des appels d’offres publics soit entreprise formatrice. Pourquoi ne pas généraliser ce modèle?» Car l’enjeu est crucial : les métiers du numérique figurent parmi les plus tendus en Suisse romande. Et les jeunes ne manquent pas: «L’engouement est là. À nous, institutions et entreprises, de transformer cet intérêt en opportunités concrètes».